Évolution

un film de Lucile Hadzihalilovic (2015)

vu le 21 mars 2016 aux Publicis Cinémas

S'il existait un public de femmes de 30-40 ans adeptes de films de genre, Evolution aurait fait un carton complet. Par ailleurs, le monde serait sans doute beaucoup plus marrant. Sauf que non, et du coup il ne passe que dans une poignée de salles en France, et même SC ne lui accorde pas beaucoup d'attention. Si tempérée soit mon appréciation du film, l'échec de sa distribution me rend un peu triste.

Lucile Hadzihalilovic (comme Weerasethakul, ça s'apprend) réalise un film d'horreur silencieuse, avec une noblesse qui la rapproche de La piel que habito d'Almodovar. Une ambiance mystérieuse, vivement abreuvée par la photo ambitieuse et magnifique de Manuel Dacosse (Amer, L'étrange couleur des larmes de ton corps : le gars n'a apparemment plus rien à prouver, mais on peut regretter de ne pas le voir prisé par des réalisateurs plus établis). Les aspects fantastiques, instillés dès le début par une myriade d'éléments de mise en scène intelligents, émergent le long du film avec un sens oppressant renouvelé. Avec l'eau pour élément dominant à l'écran, il n'est pas surprenant d'avoir la sensation de se noyer progressivement, sans réaliser la situation dangereuse dans laquelle on s'est fourré avant qu'il ne soit trop tard.

Mais voilà, tous ces regards glaçants et cette gestuelle maternellement mécanique qui dénotent une vraie réalisatrice aux commandes, tout prend l'eau à cause d'un scénario qui rechigne férocement à livrer ses codes. Quel dommage de faire preuve d'autant d'originalité sans avoir étendu cette générosité aux pensées qui résonnent derrière ces étoiles de mer, ces césariennes, ces bouillies de ver et ces orgies marines. Certainement, il était possible d'impliquer le spectateur avec un peu plus de repères sans pour autant trahir la glaçante contemplation et la peur de l'inconnu recherchées. Hadzihalilovic a préféré s'en remettre à sa vision, sans grande considération pour ceux qui ne se baladent pas dans sa tête. De mystères abyssaux, on ne m'a montré que les reflets à la surface ; comment s'étonner que je reste sur ma faim ?