Le montage et le ton du Broken Circle Breakdown m'avait mise en rogne : jouer de contrastes aussi naïfs entre un couple passionnel et une gamine cancéreuse, faut laisser ça à W9, ou bien c'est le bûcher direct. On sent que van Groeningen préparait son coup dès son deuxième long-métrage, avec ce suicide qui débarque comme un cheveu sur la soupe et tourné au ralenti s'il vous plaît, et puis il y a aussi une autre affaire de suicide avec un twist. Mais heureusement ces tristes dérapages sont très localisés.
Il faut bien dire que Dagen Zonder Lief capture la sensibilité de jeunes adultes avec une justesse rarement atteinte au cinéma. Ce n'est pas seulement du vécu : van Groeningen était au seuil de la trentaine fatidique pendant la production du film, il était donc en plein dedans, ça palpite en lui, ça brûle, et il jette ses cicatrices sur la pellicule, dans l'urgence et dans l'amertume, car il sait que cette passion disparaîtra, au même titre que celle des étudiants fêtards que les personnages passent le film à poursuivre en flashbacks. Le premier quart d'heure est particulièrement riche de détails silencieux, et d'autant plus pour Kelly, écrite et jouée avec le relief du vivant.
Mais la patte de Felix s'alourdit au fil du scénario, et il grossit les travers des personnages et rend parfois explicite ce qui n'en avait pas besoin. Mais surtout, il y a un revers à cette écriture tatouée à vif : une absence de recul qui prive le film d'introspection, et ramène les personnages dans un statu quo pas très heureux. L'histoire est limite complaisante vis-à-vis de ça, parce que c'est bien connu, plus c'est triste plus c'est sérieux.
J'imagine que je pourrais le voir comme un choix stylistique, expressionniste, fixé aux sentiments des protagonistes, mais je garde l'impression que van Groeningen dupe un peu son monde avec ses visions fabuleusement exaltées de la fin de l'adolescence, et aussi l'absence affichée d'alternative entre une vie sur la route et sans attaches, et une autre domestique pleine de compromis et de mensonges. J'ai l'heureuse prétention de défendre d'autres vues, même si j'admets qu'avec l'âge, il semble de plus en plus difficile d'avoir envie de faire des choses stupides, et qu'il m'arrive d'être nostalgique de cette spontanéité, sans encore comprendre à quoi elle tenait...
Le montage et le ton du Broken Circle Breakdown m'avait mise en rogne : jouer de contrastes aussi naïfs entre un couple passionnel et une gamine cancéreuse, faut laisser ça à W9, ou bien c'est le bûcher direct. On sent que van Groeningen préparait son coup dès son deuxième long-métrage, avec ce suicide qui débarque comme un cheveu sur la soupe et tourné au ralenti s'il vous plaît, et puis il y a aussi une autre affaire de suicide avec un twist. Mais heureusement ces tristes dérapages sont très localisés.
Il faut bien dire que Dagen Zonder Lief capture la sensibilité de jeunes adultes avec une justesse rarement atteinte au cinéma. Ce n'est pas seulement du vécu : van Groeningen était au seuil de la trentaine fatidique pendant la production du film, il était donc en plein dedans, ça palpite en lui, ça brûle, et il jette ses cicatrices sur la pellicule, dans l'urgence et dans l'amertume, car il sait que cette passion disparaîtra, au même titre que celle des étudiants fêtards que les personnages passent le film à poursuivre en flashbacks. Le premier quart d'heure est particulièrement riche de détails silencieux, et d'autant plus pour Kelly, écrite et jouée avec le relief du vivant.
Mais la patte de Felix s'alourdit au fil du scénario, et il grossit les travers des personnages et rend parfois explicite ce qui n'en avait pas besoin. Mais surtout, il y a un revers à cette écriture tatouée à vif : une absence de recul qui prive le film d'introspection, et ramène les personnages dans un statu quo pas très heureux. L'histoire est limite complaisante vis-à-vis de ça, parce que c'est bien connu, plus c'est triste plus c'est sérieux.
J'imagine que je pourrais le voir comme un choix stylistique, expressionniste, fixé aux sentiments des protagonistes, mais je garde l'impression que van Groeningen dupe un peu son monde avec ses visions fabuleusement exaltées de la fin de l'adolescence, et aussi l'absence affichée d'alternative entre une vie sur la route et sans attaches, et une autre domestique pleine de compromis et de mensonges. J'ai l'heureuse prétention de défendre d'autres vues, même si j'admets qu'avec l'âge, il semble de plus en plus difficile d'avoir envie de faire des choses stupides, et qu'il m'arrive d'être nostalgique de cette spontanéité, sans encore comprendre à quoi elle tenait...