Cyrano de Bergerac

un film de Jean-Paul Rappeneau (1990)

Moi qui prends mon pied à l'écoute des dialogues désuets et chatoyants des films de Bruno Podalydès... Cyrano de Bergerac s'est révélé un bonheur de tous les instants. D'autant plus que mes profs de collège n'ont jamais daigné m'en imposer la lecture : j'ai vibré au rythme des tirades avec l'intensité de la première fois.

Il y a donc cette foi ultime en la langue française, sa richesse, sa musicalité ; je lis que le travail d'adaptation a demandé de couper et de remanier une partie conséquente de la pièce d'origine, mais je n'y ai vu que du feu. Rimes et consonances, alexandrins et phrasés, tout chante la gloire d'un art aujourd'hui moqué. C'est à la fois grandiose et profane, révérencieux et taquin, subtil et outré. J'adore.

Il y a aussi Cyrano, tour à tour transi d'émoi et joueur de l'esprit. Depardieu ne fait qu'un avec son personnage, et en déclame les répliques avec toute la verve appropriée. Une figure défiante, audacieuse, indépendante, dont l'unique erreur est de ne pas s'accorder la même confiance qu'il place en ses proches. Un héros, garant imperturbable et déraisonnable de valeurs culturelles et sociétales, face aux sycophantes, aux ignorants, aux moqueurs. Le panache, inégalé.

Et puis il y a ces décors, qui me rappellent à la fois une France profonde, d'escapades et de vacances désormais intemporelles, et puis aussi le patelin paumé de Seine-et-Marne où je vivais étant gamin. Et pour cause : certaines scènes ont été tournées à deux pas de chez moi (et à trois ans de ma naissance). Des forêts assombries dont les herbes ont lancé l'assaut sur les lavoirs et autres roches voisines ; il n'en faut pas plus pour me transporter une quinzaine d'années en arrière.

Cyrano de Bergerac, c'est le paradoxe d'une superproduction française qui me touche en plein cœur. Superbe.