Je râlais il y a quelques jours, comme quoi le cinéma américain ne mettait rien de neuf sur la table, que les dernières années étaient moroses pour Hollywood comme pour les auteurs moins en vue.
Captain Fantastic n'a pu que me conforter dans ce point de vue. Vis à vis de l'histoire, c'est essentiellement une version familiale de Into the Wild (on y revient souvent à celui-là, ou peut-être que c'est seulement moi). Et la mise en scène, bah il y a rien de neuf quoi. C'est si convenu qu'on a du mal à parvenir à en extraire pourquoi ça marche plutôt bien. Ces lens flares pseudo-lyriques que les indés US nous font bouffer depuis des années, du quasi Sigur Rós parce que c'est super cinématique depuis dix ans, des panoramas sur les routes et les paysages et les forêts, et puis le reste, c'est impossible de parler de caractère tellement c'est disparate et opportuniste (un plan plongeant le long d'une falaise, puis des plans rapprochés sous la pluie battante, puis sans transition ni unité encore autre chose... juste un exemple parmi tout le film). Plus j'y pense plus je trouve ça décevant.
Tout le monde s'accorde sur la finesse de l'écriture, l'équilibre entre les deux camps, l'implication des acteurs, etc. Les choses positives ont été dites, et je les ai appréciées, alors je vais me permettre d'insister sur les points négatifs, que personne ne soit aveugle sur ce qui se passe, quand même. Et ça ne s'arrête pas au manque d'originalité (cf. le film de Sean Penn, qu'on pourrait en fait retracer au moins jusqu'au Jeremiah Johnson de Sidney Pollack, mais bref).
Parce que Captain Fantastic vise vachement bien son public, quand même. Ce serait une entreprise remarquable si le scénario tentait vraiment de s'adresser à l'américain lambda, le bon chrétien un peu bedonnant avec des gosses aliénés sur leur console (ça chatouille la caricature de mauvaise foi, mais soit), voire le trumpiste de base qui rejette les étrangers autant que les élites. Mais là non, Captain Fantastic prêche avant tout à des convaincus, nous amateurs de ciné (plus ou moins) indépendant, avec des brins de rêves au fond du cœur, mais surtout beaucoup plus d'idées que d'actions concrètes.
Dans Captain Fantastic, les gâteaux crémeux au chocolat restent une référence de gourmandise (les gosses n'ont sans doute jamais connu ça et leur père est probablement contre, mais c'est pas le cas du public). Les universités prestigieuses restent des modèles à admirer (les gosses ont été élevés contre ça, mais c'est pas la réaction instinctive du public). L'éducation civique passe par la récitation de la constitution américaine (mais qu'est-ce qu'une famille ermite peut bien en avoir à battre ?)
Ces couacs de cohérence ne sont pas négligeables, et le plus scandaleux est certainement cette happy end discutable. D'abord le "chéri, t'aurais pas vu les six petits-enfants par hasard ?" "bof non, leur père vient de partir mais ça m'inquiète pas". Et finalement ce plan familial qui montre que oui, vous aussi, vous pouvez être heureux avec un bol de corn-flakes et du bon lait de nos campagnes, en envoyant vos enfants à l'école et en menant une vie gentille et pas contestataire.
On aura beau dire que Captain Fantastic crée de la tension entre deux camps, d'une part la construction est un peu artificielle, et d'autre part autant la mise en scène que le scénario s'assurent de brosser le spectateur ciblé dans le bon sens du poil. J'irais pas jusqu'à dire que c'est crapuleux, parce qu'encore une fois (même si je ne fais aucun effort pour vous en convaincre xD), je trouve que c'est une belle histoire et qu'il y a matière à débattre des hypocrisies sociales, du vivre ensemble, etc. M'enfin c'est quand même doucettement racoleur.
Contrairement à ce qu'il laissait annoncer, ce n'est pas un film qui remet en question des convictions et offre à progresser soi-même. C'est une production conçue dès l'origine pour conforter ses spectateurs dans un état d'esprit préexistant. Savourons quelques secondes l'ironie d'un scénario aussi calculé, qui dénonce à répétition le contrôle des industries américaines sur les masses...
Ça n'engage que moi, mais je préfère que le cinéma soit un challenge. Qu'il aille au bout de ses idées et ne me cache rien. Qu'il soit un minimum surprenant et couillu. Comme Vigo, quoi.
Dead Poule (issue de l'agriculture biologique)
Je râlais il y a quelques jours, comme quoi le cinéma américain ne mettait rien de neuf sur la table, que les dernières années étaient moroses pour Hollywood comme pour les auteurs moins en vue.
Captain Fantastic n'a pu que me conforter dans ce point de vue. Vis à vis de l'histoire, c'est essentiellement une version familiale de Into the Wild (on y revient souvent à celui-là, ou peut-être que c'est seulement moi). Et la mise en scène, bah il y a rien de neuf quoi. C'est si convenu qu'on a du mal à parvenir à en extraire pourquoi ça marche plutôt bien. Ces lens flares pseudo-lyriques que les indés US nous font bouffer depuis des années, du quasi Sigur Rós parce que c'est super cinématique depuis dix ans, des panoramas sur les routes et les paysages et les forêts, et puis le reste, c'est impossible de parler de caractère tellement c'est disparate et opportuniste (un plan plongeant le long d'une falaise, puis des plans rapprochés sous la pluie battante, puis sans transition ni unité encore autre chose... juste un exemple parmi tout le film). Plus j'y pense plus je trouve ça décevant.
Tout le monde s'accorde sur la finesse de l'écriture, l'équilibre entre les deux camps, l'implication des acteurs, etc. Les choses positives ont été dites, et je les ai appréciées, alors je vais me permettre d'insister sur les points négatifs, que personne ne soit aveugle sur ce qui se passe, quand même. Et ça ne s'arrête pas au manque d'originalité (cf. le film de Sean Penn, qu'on pourrait en fait retracer au moins jusqu'au Jeremiah Johnson de Sidney Pollack, mais bref).
Parce que Captain Fantastic vise vachement bien son public, quand même. Ce serait une entreprise remarquable si le scénario tentait vraiment de s'adresser à l'américain lambda, le bon chrétien un peu bedonnant avec des gosses aliénés sur leur console (ça chatouille la caricature de mauvaise foi, mais soit), voire le trumpiste de base qui rejette les étrangers autant que les élites. Mais là non, Captain Fantastic prêche avant tout à des convaincus, nous amateurs de ciné (plus ou moins) indépendant, avec des brins de rêves au fond du cœur, mais surtout beaucoup plus d'idées que d'actions concrètes.
Dans Captain Fantastic, les gâteaux crémeux au chocolat restent une référence de gourmandise (les gosses n'ont sans doute jamais connu ça et leur père est probablement contre, mais c'est pas le cas du public). Les universités prestigieuses restent des modèles à admirer (les gosses ont été élevés contre ça, mais c'est pas la réaction instinctive du public). L'éducation civique passe par la récitation de la constitution américaine (mais qu'est-ce qu'une famille ermite peut bien en avoir à battre ?)
Ces couacs de cohérence ne sont pas négligeables, et le plus scandaleux est certainement cette happy end discutable. D'abord le "chéri, t'aurais pas vu les six petits-enfants par hasard ?" "bof non, leur père vient de partir mais ça m'inquiète pas". Et finalement ce plan familial qui montre que oui, vous aussi, vous pouvez être heureux avec un bol de corn-flakes et du bon lait de nos campagnes, en envoyant vos enfants à l'école et en menant une vie gentille et pas contestataire.
On aura beau dire que Captain Fantastic crée de la tension entre deux camps, d'une part la construction est un peu artificielle, et d'autre part autant la mise en scène que le scénario s'assurent de brosser le spectateur ciblé dans le bon sens du poil. J'irais pas jusqu'à dire que c'est crapuleux, parce qu'encore une fois (même si je ne fais aucun effort pour vous en convaincre xD), je trouve que c'est une belle histoire et qu'il y a matière à débattre des hypocrisies sociales, du vivre ensemble, etc. M'enfin c'est quand même doucettement racoleur.
Contrairement à ce qu'il laissait annoncer, ce n'est pas un film qui remet en question des convictions et offre à progresser soi-même. C'est une production conçue dès l'origine pour conforter ses spectateurs dans un état d'esprit préexistant. Savourons quelques secondes l'ironie d'un scénario aussi calculé, qui dénonce à répétition le contrôle des industries américaines sur les masses...
Ça n'engage que moi, mais je préfère que le cinéma soit un challenge. Qu'il aille au bout de ses idées et ne me cache rien. Qu'il soit un minimum surprenant et couillu. Comme Vigo, quoi.