À perdre la raison

un film de Joachim Lafosse (2012)

vu le 7 septembre 2012 à l'UGC Les Halles

Une chronique familiale sensible et étouffante

Les retrouvailles de Tahar Rahim (Mounir) et Niels Arestrup (Pinget), qui n'avaient plus tourné ensemble depuis Un Prophète, auraient pu être prétexte à un déballage gratuit de jeu d'acteur talentueux. Au lieu de ça, Joachim Lafosse a su dénicher et diriger avec un talent admirable Emilie Dequenne (Murielle, donc), lui permettant de quitter le dernier festival de Cannes avec un nouveau prix d'interprétation féminine.

A perdre la raison, inspiré d'un fait divers, retrace sur une dizaine d'années l'évolution d'une cellule familiale sérieusement, terriblement dysfonctionnelle. La réalisation met en valeur la transmission d'un mal profond, sourd et corrosif : faisant d'abord ressortir la relation très peu saine construite entre Mounir et Pinget, le film voit Murielle s'isoler progressivement, au point qu'elle finisse presque seule à l'écran. Les plans, très précisément découpés, l'enserrent et la piègent jusqu'à la conclusion, indicible.

Si les acteurs ont été unanimement acclamés pour leurs prestations, tour à tour subtiles et violentes, le message transmis est plus controversé, parce que remettant en question des valeurs qu'on voudrait croire universelles. A retracer l'origine d'un acte que d'aucuns qualifieraient d'inhumain, le réalisateur ne l'excuse pourtant en rien : au contraire, distribuer les responsabilités et désigner tous les fautifs revient à nous interdire de nous contenter de vérités trop instinctives et simplistes.