La salle du Normandy exhibe à son ouverture en 1937 une capacité monstrueuse de plus de 1900 places. En dépit des apparences, la suite est autant une histoire de succès que de survie. Les troupes allemandes s'y font quelques toiles pendant l'Occupation, et le cinéma ferme à la fin des années 60. Il faut attendre deux ans pour que la salle soit à nouveau accessible, mais avec moitié moins de sièges ; l'espace gagné sera revendu dix ans plus tard au cabaret du Lido, qui continue encore aujourd'hui de partager l'entrée de ce bâtiment avant-gardiste avec le cinéma. Trois autres espaces de 200-250 places sont aménagés en 1980. La diversification de la programmation permet sans doute de sauver l'établissement alors que, plus bas sur les Champs-Élysées, pas moins de cinq UGC ferment leurs portes : le Triomphe, le Biarritz, le Champs-Élysées, l'Ermitage et le Marbeuf. Aux côtés du George V, le Normandie est un rescapé.
La salle Prestige, bien que réduite par rapport à l'agencement d'origine, monumental, a aussi joué dans ce processus de sélection impitoyable. Je ne parle que d'elle, mais il faut bien reconnaître qu'avec sa médaille d'argent des plus grandes salles parisiennes (après le Rex, évidemment), son profil ovoïde, ses boiseries, son écran de 18 mètres de large, son quintuple rideau de scène, l'espacement appréciable entre les rangées de fauteuils confortables... elle figure aisément parmi les meilleurs endroits où voir un film à spectacle. La sélection des sorties se fait en tandem avec le George V, même si le Normandie se réserve souvent les succès du moment.