Les Champs-Élysées : ses enseignes de luxe, ses flagship stores, ses automobilistes rageux, ses touristes vagabonds. Un écosystème parisien paroxystique qu'incarne le Publicis Cinémas au-delà de toute cohérence. Une première salle est ouverte en 1957, mais cette date n'a que peu d'importance, dans la mesure où ce mini-complexe donne l'impression de toujours rester à la pointe du confort et du design. Les deux salles actuelles sont volumineuses en dépit de leur capacité moyenne. Les fauteuils en cuir sont numérotés, les rangs sont généreusement espacés, les écrans sont larges, les enceintes balayent fort, même le hall et les couloirs respirent l'argent. Et pourtant de nouveaux travaux étaient déjà relancés il y a quelques mois ! Le prix de la place n'étant pas plus élevé qu'ailleurs, la rentabilité des lieux reste un mystère à mes yeux.
Évidemment, le Publicis Drugstore se trouve à côté, et il est presque impossible de s'installer plus près de la Place de l'Étoile sans avoir à déloger une ambassade quelconque (j'ai déjà essayé, sans succès). Mais la programmation retenue est probablement la plus absurde de Paris et je ne m'explique vraiment pas qu'on puisse faire du chiffre avec. D'autant plus avec les deux UGC du trottoir d'en face. Films d'horreur, cinéma social, rétrospectives pointues, nanars inédits, documentaires de niche, Bollywood décomplexé, comédies bouffonnes, avant-premières presse, soirées opéra, tout se mélange d'une séance à l'autre, au défi de toute logique. Pensez-vous, je ne m'en plains pas. Cet éclectisme et cette ouverture méritent force louanges, et puis voir le premier film de Keanu Reeves ou le deuxième de Jean-Marc Minéo dans un espace d'une telle qualité, c'est une chance aberrante. Il n'empêche : ce cinéma me laisse aussi comblé que perplexe.