L'Institut finlandais

Visiter tous les cinémas de Paris, ça implique connaître tous les cinémas de Paris. Après avoir écumé une bonne partie des UGC et autres MK2 qui ne souffrent d'aucune ambiguïté, il a donc bien fallu que je me pose cette question bête : qu'est-ce qui fait un cinéma ? En pensant aux auditoriums, on pourrait être tenté de considérer les toiles amovibles comme un critère, mais alors une moitié de la Filmothèque ne serait même pas un cinéma, et l'écran Grand Large ferait du Grand Rex un genre de bâtard. C'est une grossière fausse piste. Parler d'exploitation commerciale est un autre terrain glissant : les séances en plein air du parc de la Villette sont gratuites, mais j'ai encore l'impression d'avoir affaire à un cinéma. Pareil avec la notion d'événementiel : Cinéma Paradiso consiste en une poignée de projections sous la nef du Grand Palais tous les un ou deux ans, mais en dépit de ce caractère temporaire je considère que c'est un cinéma à part entière. Et les salles privatisables ? Et les cinés X ? Et les salles non exploitées (le fameux Grand Écran Italie, vaillamment défendu par une association depuis une dizaine d'années) ? Plusieurs questions épineuses auxquelles, honnêtement, j'ai abandonné l'idée de répondre.

Le sujet pourrait être débattu à l'infini par des gens n'ayant rien de mieux à faire (et je suis mal placé pour parler), mais j'ai fini par restreindre le problème et me dire, déjà, que j'exclurais les lieux qui disposent d'installations permanentes, mais pour qui la projection de films ne constitue pas un cœur d'exploitation. En conséquence de quoi je m'autorise à faire l'impasse sur tous les musées et centres culturels, qu'ils diffusent uniquement des documentaires spécialisés ou qu'ils se permettent de projeter quelques fictions de temps en temps. En gros je fais ce qui me chante avec un semblant d'excuse. L'Institut finlandais est donc optionnel... mais ça ne m'a pas empêché d'y faire un tour. J'étais curieux, j'étais libre, et puis ça se passait à côté de chez moi.

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La projection était précédée d'une rencontre avec un auteur à succès mesuré en passe de publier son deuxième livre en France, et je me suis donc retrouvé dans le décor finnois qui a pris la place de l'ancien bi-salle cinéma Cluny-Écoles, bois clair, lumière, transparence, design épuré et boissons aux prix indécents, à écouter un bonhomme looké 70s expliquer candidement qu'il n'arriverait pas à trouver les idées pour avancer et finir ses bouquins sans les deadlines que lui fixait son éditeur.

Au cours de la séance Q/A, une lectrice qui ne se sentait plus a essayé de formuler pendant plusieurs minutes quatre questions en une qui cherchaient à établir un lien entre les enquêtes de gare écrites par le gars, le romantisme des années 1830 et la Révolution française. Sans surprise, elle est complètement partie dans le décor en défonçant toutes les barrières, et après quelques minutes de confusion et de gêne partagées par le reste de la salle, l'animatrice a clos l'échange en invitant les intéressés à se rendre dans la mini-salle présente au sous-sol.

L'auteur y a expliqué avoir souhaité présenter ce film parce que la boîte de prod impliquée allait aussi s'occuper de l'adaptation d'un de ses romans. Et alors certes, il n'avait pas l'air d'une fine plume, mais je ne peux pas m'empêcher de le plaindre par rapport au risque que le produit final ressemble rien qu'un peu au désastre intégral de ce thriller psychostupide Musta Jää. Je ne m'attendais pas à payer un tel prix pour élargir ma culture...