Je ne sais pas exactement pourquoi j'ai mis si longtemps à débarquer au Lucernaire, alors que j'y ai vécu à quelques pas pendant plusieurs années, et que l'exploitant est adepte comme moi d'art et essai un peu farfelu et de documentaires vaguement perchés. La lenteur du renouvellement de la programmation a sans doute joué, à bien y repenser. Quoi qu'il en soit, j'ai fini par m'y rendre au gré de la diffusion d'un vieux Disney (l'art et essai sera pour un autre jour, ça va hein), je me suis avancé dans l'entrée pavée qui évoquait une extension accueillante du trottoir, j'ai apprécié ma séance, j'ai feuilleté quelques bouquins spécialisés de ciné à la sortie, et si j'avais eu soif je n'aurais probablement pas rechigné à prendre un verre au bar complémentaire. C'est un lieu où il fait bon vivre.
L'aventure du Lucernaire a commencé en 1968 dans le 14ème. Délogé par les travaux liés à la construction de la nouvelle tour Montparnasse, le couple d'exploitants se réinstalle quelques rues plus loin dans une usine désaffectée, à l'emplacement actuel. Les activités ne se limitent pas à la projection de films : théâtre, concert, récital, exposition et restauration, avec ses ambitions de centre culturel au carrefour de plusieurs disciplines artistiques, le Lucernaire joue un peu sur tous les plans. Ca rappelle l'Entrepôt (ailleurs dans cette liste), en plus sérieux.
Un temps, les affaires semblent marcher, permettant l'ouverture d'une troisième salle de cinéma, mais le début des années 2000 est difficile. Fin 2003, Monsieur entame une grève de la faim en protestation contre les menaces de coupure de subventions qui planent sur l'établissement. Début 2004, Madame décède d'un cancer. Une page se tourne, les lieux étant alors cédés au groupe possédant la maison d'édition L'Harmattan. Les nouveaux fonds permettent la rénovation des lieux, et même, après constat d'une reprise de la fréquentation, l'ouverture d'une troisième salle de théâtre. Pour la rentrée 2015, une école d'art dramatique a été lancée. Le projet a retrouvé sa forme. Tant mieux.