Je manque d'anecdotes croustillantes à partager au sujet du Grand Action, et quand bien même, je ne saurais rendre justice à la qualité de l'exploitation actuelle. Une salle est ouverte en 1907 sous le nom de Mésange-Cinéma. [Péripéties dispensables], et en 1983 le réseau Action récupère et remodèle les lieux : il y aura donc la salle Henri Langlois, du nom du fondateur de la Cinémathèque française, et la salle Henri Ginet, co-créateur du label art et essai. Cet Action Rive-Gauche devient Grand en 1992, nom qui sera conservé malgré la sortie du réseau avec la vente en 2007 à une passionnée, Isabelle Gibbal-Hardy.
Fidèle au réseau Action, il fut un temps où le cinéma projetait essentiellement des classiques américains. Mais ce n'est plus du tout vrai aujourd'hui, et c'est ce qui fait la grandeur des lieux. Rétrospective Herzog : voilà deux mots qui devraient suffire à entériner le caractère badass de la programmation. S'il en faut plus, évoquons pêle-mêle la mobilisation d'une salle deux semaines de suite pour répéter les 4h11 de la version longue d'Il était une fois en Amérique. La projection en trois soirées des 15 heures de la minisérie Berlin Alexanderplatz de Fassbinder. Ou bien la commémoration de Manoel de Oliveira alors que le reste du monde ignorait la mort du doyen des réalisateurs. Autant d'actes de résistance contre le cinéma multiplexé, et la liste de ces discrets exploits s'étoffe invariablement chaque mois.
Si vous n'êtes pas du genre à louer la salle Henri Ginet pour utiliser sa console de post-production, la direction s'efforce tout de même de prolonger l'expérience au-delà de la simple projection par le biais de multiples évènements. Rétrospectives ou séances exceptionnelles, les lieux accueillent régulièrement des professionnels de toutes les strates de l'industrie du cinéma, jusqu'aux critiques de Positif. Mais ce que j'admire le plus, c'est l'ouverture d'esprit dont témoigne la programmation, qui fait qu'aucun style, aucun goût, n'est laissé de côté. Diffuser du Paul Vecchiali, c'est bien, mais passer une semaine de Michael Mann avant, c'est mieux, et enchaîner le lendemain sur Speed Racer, c'est culotté et génial. Le Grand Action est un lieu où tous les cinémas convergent, où la séduction populaire se réconcilie avec les aspirations artistiques. Spectacle sans surenchère, culture sans manières : un repaire incontournable dont je considère la simple existence comme un superbe privilège.