Si, en 1938, le Champo avait été ouvert à l'angle de la rue des Écoles et du boulevard Saint-Michel, le cinéma n'aurait probablement pas survécu à l'invasion véhémente des boutiques de fringues sur l'axe principal du Quartier latin. Non, la salle s'est ouverte sur la rue Champollion, discrète parallèle toute proche du boulevard, ce qui a permis au Champo d'émerger parmi les références parisiennes en matière de diffusion de grands classiques.
C'est suite à un incendie en 1941 que le propriétaire des lieux installe le fameux système "rétro-reflex", qui permet la projection des films de la salle 1 à travers un périscope, depuis une cabine installée, non au niveau de l'écran, mais à l'étage supérieur. La salle 2, quant à elle, est acquise dans les années 50. Cet espace, autonome de celui d'origine, était appelé l'Actua-Champo. Le mur entre les deux halls a été abattu depuis, même si la seconde entrée donnant directement sur la rue des Écoles subsiste.
Mon expérience avec le Champo est limitée ; je n'y ai assisté qu'à guère plus de trois projections. La bobine utilisée pour Les Herbes folles était immonde, ce qui m'a déçu de l'établissement, d'autant plus que le film était sorti moins de trois ans auparavant... Une autre fois, j'ai pris part à une séance quasi-complète pour To Die For, dans la salle en sous-sol. Les rangées de siège étant presque au même niveau, et l'écran pas particulièrement haut, il était impossible de voir le film sans accrocher plusieurs têtes devant soi. Rien qui me donne envie de m'installer ici, malgré une programmation proche en esprit de celle offerte à la Filmothèque sa voisine, que je fréquente assidûment. Les rétrospectives mettent tout le monde à l'honneur, de Carné jusqu'à Lynch, de Kurosawa jusqu'à Almodóvar. Des nuits à thème sont aussi régulièrement organisées.
Le Champo est devenu pour moi un miroir des années 60 et de la glorieuse Nouvelle Vague, avec Chabrol et Truffaut qui y habitent à moitié, et un tas d'étudiants aux cols roulés qui viennent y construire une culture de soixante-huitards érudits. Cet esprit, à la fois grandiose et débouté, que j'idéalise comme bien plus digne que ma culture de génération Y, a sans doute une part à jouer dans ma réticence d'investir ce haut lieu...