Autour de l'Archipel se trouvent un Brady esseulé, et surtout une myriade d'anciens cinémas reconvertis en théâtres. Il n'est alors guère surprenant que les deux jolies salles de l'Archipel, rouge et bleue (Filmo si tu nous entends...), accueillent divers spectacles quatre ou cinq soirs par semaine.
Il s'agit plus ou moins d'un retour aux sources : à sa création en 1893, le Concert de la Ville Japonaise était une salle de représentations. Il se raconte que les meilleurs artistes étaient renvoyés, parce qu'ils troublaient la quiétude affairée des vieillards et des cocottes qui composaient l'essentiel de sa clientèle... Le modèle économique de l'établissement ne tenant pas franchement la route, un nouvel exploitant le réoriente pleinement vers la projection cinématographique à partir de 1912, sous le nom de Paris-Ciné. Ce titre un poil culotté survivra à la diffusion de films érotiques et de séries B dans les années 70, mais pas à la réouverture des lieux en 2001 suite à des travaux significatifs. L'Archipel était né, et il allait partager son temps entre le théâtre et le cinéma art et essai.
Il est amusant de constater que, dans un domaine comme dans l'autre, la programmation échappe à toute logique. Engagement politique, animation pour enfants, découverte des cultures, farce et naturalisme, l'Archipel semble célébrer avec générosité l'idée d'un art universel et omnipotent. Tout le prisme des attentes liées au cinéma est couvert, depuis la révélation de la réalité jusqu'aux fantasmes échappatoires. C'est dire comme les lieux étaient ressourçants après les évènements macabres de la matinée.