Bien que les agitations spectaculaires aient principalement eu lieu plus au nord, vers la Sorbonne et l'Odéon, la Clef représente un meilleur héritage de la pensée soixante-huitarde que n'importe quel autre cinéma du Quartier latin. Il faut dire aussi que l'endroit, ouvert en 1969, s'est opinément retrouvé à proximité immédiate de la Sorbonne-Nouvelle, un des produits de l'éclatement de l'université parisienne acté en 1971. Avec ce pôle humanités pour voisin, la programmation se fait naturellement indépendante et politique. Mais lorsque Mitterrand arrive à la présidence en 1981, la culture militante s'étiole et les salles peinent à faire recette. Le CE de la Caisse d'Épargne rachète le bâtiment, et il faut attendre 1991 pour que les lieux retrouvent leur vocation engagée, avec dans les premiers temps une emphase sur le cinéma africain, sous un nouveau nom : Images d'Ailleurs. Suite à une menace d'expulsion en 2009, les deux salles sont rénovées et l'exploitation est transférée à une association de passionnés. L'esprit reste toutefois inchangé, avec, semaine après semaine, une programmation internationale à forte dimension sociale, presque autant de documentaires que de fiction, et des débats très réguliers avec les réalisateurs.
La sélection et les évènements sont exceptionnels, et je chéris toujours le souvenir de la soirée au cours de laquelle j'ai pu assister à la projection Super 8 de court-métrages féministes expérimentaux. Ceci étant dit, je reconnais ne fréquenter que très rarement les lieux, parce qu'entre l'emplacement un peu isolé et la programmation très éparpillée tout au long de la semaine, il m'est difficile de trouver des horaires satisfaisants... Et non, ça n'a rien à voir avec la décoration un poil suspecte aux murs de la salle 2. Ou presque.