Problem Attic est un peu au jeu vidéo ce que Fata Morgana est au cinéma : une œuvre impossible à transposer en dehors de son propre média, a fortiori à capturer en mots, faute de pouvoir reproduire l'interactivité et le passif culturel qui sont au cœur de sa conception.
Qui dit interactivité dit aussi interprétation : ma mission d'analyse se heurte à la perspective de priver le lectorat de cette part de l'œuvre, mais enfin vous voilà prévenu·e·s.
L'obstacle physique, le mur, dans l'angle mort de la vie, périphérique, environnemental, mais au centre des jeux de plates-formes. Le découplage du moteur physique et du moteur graphique est un blasphème, parce qu'il enfreint le réalisme. Une capacité est apprise ou non, mais il n'y a pas d'intermédiaire, pas d'incertitude dans l'utilisation d'un nouveau pouvoir, parce que traditionnellement les jeux nous ont rendu·e·s pleinement responsables de notre réussite ou non. Le mérite. Perdre le contrôle de ses actions ? Panique d'abord, puis mépris, car une impuissance durable serait une insulte à la domination qui nous est due.
Liz Ryerson envoie tout valser, avec rage et excitation. Laissons les commandements à l'ancien monde. La binarité, le vide contre le plein, l'avatar contre les ennemis, c'est une construction sociale, c'est un automatisme culturel. Mais si les murs devenaient creux ? Si tu pouvais, non pas traverser l'obstacle, mais le transformer en espace de sécurité ? Investir le dedans avec le dehors, au point de transformer les deux en un tout indifférencié ? L'apprentissage de cette fluidité se paye en confusion et en lassitude, celles de ne pas immédiatement contrôler les approximations auxquelles tu t'exposes. Mais ça viendra.
Et si les ennemis, même contre leur gré, en dépit de ton aversion, t'aidaient à atteindre tes objectifs ? Si tu tournais leur voyeurisme agressif et froid en une occasion pour t'affirmer ? Si tu prenais leur contrôle et que tu observais ton avatar désincarné ? Savoir qu'il est impossible d'éviter une passe pénible, mais savoir aussi que l'issue est en vue. Tu ne domineras jamais le monde, mais tu peux apprendre à le naviguer. Est-ce que tu en veux à un·e proche, aux autres, ou à toi-même ? Les frontières se floutent. Elles n'ont jamais été claires. Tu t'échappes de la douleur. Tu accèdes à la réconciliation. La prison n'est plus.
Avec son avatar à l'entrejambe gris et son freak-out dysphorique à faire pâlir Slave of God, Problem Attic est riche d'allusions à l'expérience d'une transidentité. Mais résistons au fétichisme et ne réduisons pas le jeu à cette source d'écriture, qui est moins que le thème d'ensemble (« les prisons, imaginaires ou réelles », nous dit Liz aussi clairement que possible), et qui est surtout moins que le jeu en lui-même, dans sa capacité à être appréhendé et ressenti au-delà d'une poignée de mots abstraits. Sans doute demande-t-il une certaine expérience de vie pour favoriser la résonance et l'appropriation, mais il n'existe pas non plus de message qui, comme une formule magique, libèrerait un sens caché...
Problem Attic est un peu au jeu vidéo ce que Fata Morgana est au cinéma : une œuvre impossible à transposer en dehors de son propre média, a fortiori à capturer en mots, faute de pouvoir reproduire l'interactivité et le passif culturel qui sont au cœur de sa conception.
Qui dit interactivité dit aussi interprétation : ma mission d'analyse se heurte à la perspective de priver le lectorat de cette part de l'œuvre, mais enfin vous voilà prévenu·e·s.
L'obstacle physique, le mur, dans l'angle mort de la vie, périphérique, environnemental, mais au centre des jeux de plates-formes. Le découplage du moteur physique et du moteur graphique est un blasphème, parce qu'il enfreint le réalisme. Une capacité est apprise ou non, mais il n'y a pas d'intermédiaire, pas d'incertitude dans l'utilisation d'un nouveau pouvoir, parce que traditionnellement les jeux nous ont rendu·e·s pleinement responsables de notre réussite ou non. Le mérite. Perdre le contrôle de ses actions ? Panique d'abord, puis mépris, car une impuissance durable serait une insulte à la domination qui nous est due.
Liz Ryerson envoie tout valser, avec rage et excitation. Laissons les commandements à l'ancien monde. La binarité, le vide contre le plein, l'avatar contre les ennemis, c'est une construction sociale, c'est un automatisme culturel. Mais si les murs devenaient creux ? Si tu pouvais, non pas traverser l'obstacle, mais le transformer en espace de sécurité ? Investir le dedans avec le dehors, au point de transformer les deux en un tout indifférencié ? L'apprentissage de cette fluidité se paye en confusion et en lassitude, celles de ne pas immédiatement contrôler les approximations auxquelles tu t'exposes. Mais ça viendra.
Et si les ennemis, même contre leur gré, en dépit de ton aversion, t'aidaient à atteindre tes objectifs ? Si tu tournais leur voyeurisme agressif et froid en une occasion pour t'affirmer ? Si tu prenais leur contrôle et que tu observais ton avatar désincarné ? Savoir qu'il est impossible d'éviter une passe pénible, mais savoir aussi que l'issue est en vue. Tu ne domineras jamais le monde, mais tu peux apprendre à le naviguer. Est-ce que tu en veux à un·e proche, aux autres, ou à toi-même ? Les frontières se floutent. Elles n'ont jamais été claires. Tu t'échappes de la douleur. Tu accèdes à la réconciliation. La prison n'est plus.
Avec son avatar à l'entrejambe gris et son freak-out dysphorique à faire pâlir Slave of God, Problem Attic est riche d'allusions à l'expérience d'une transidentité. Mais résistons au fétichisme et ne réduisons pas le jeu à cette source d'écriture, qui est moins que le thème d'ensemble (« les prisons, imaginaires ou réelles », nous dit Liz aussi clairement que possible), et qui est surtout moins que le jeu en lui-même, dans sa capacité à être appréhendé et ressenti au-delà d'une poignée de mots abstraits. Sans doute demande-t-il une certaine expérience de vie pour favoriser la résonance et l'appropriation, mais il n'existe pas non plus de message qui, comme une formule magique, libèrerait un sens caché...